Désirer la perfection du paysage
Françoise Menard fait des croquis dans la nature. Elle peint ses toiles dans son atelier. Elle me dit que, lorsqu’elle peint, elle écoute toujours une musique de Bach, une musique écoutée « très bas ». Bach lui offre, dans ses harmonies sobres, en quelque sorte un modèle. Elle oppose son travail à celui de sculpteurs qui dépensent énormément d’efforts physiques, qui travaillent dans le bruit et qui, lorsqu’ils écoutent une musique, la font hurler.
Quand, dans son atelier, elle me parle de son travail, elle accompagne sa voix d’un concerto de Bach pour violoncelle.
Elle me dit qu’elle utilise des couches très fines de matière, en glacis. Elle souhaite que la toile reste visible. Très fine, la toile produit une vibration qu’on ressent (affirme-t-elle) avant qu’on en prenne conscience et qui vous pousse à vous rapprocher de l’œuvre.
Lorsqu’elle parle d’une œuvre, elle aime à caresser la toile de la paume. Elle aime que la toile ne soit pas rugueuse, ne soit pas accidentée. Elle raconte : « En ce qui concerne les tableaux les plus récents, j’ai eu une méchante tendance à poncer la toile ».
Elle aime le lisse pour évoquer un monde sans agression.
Chaque toile est signée. Mais la signature n’est pas immédiatement visible. Elle ne doit pas rompre l’harmonie du paysage peint. Elle ne doit pas être indiscrète. Souvent elle se cache dans un sillon, dans l’ombre d’une colline. C’est, pour Françoise Ménard, un jeu de dissimuler sa signature.
Certains paysages de Françoise Ménard, mais non pas tous, évoquent un corps féminin allongé.
Souvent, Françoise Menard commence son tableau par un fond ocre rouge. Puis elle travaille les zones plus claires.
Les sillons, parfois, sont une sorte d’écriture qui s’inscrit sur la terre.
Elle travaille les vides et les pleins, les changements de la lumière. Elle dit que, venant de Madrid, elle a été étonnée par la lumière des Canaries et qu’elle a tenté de la rendre.
Dans certains tableaux qui montrent la mer et la côte, elle travaille surtout les bords pour laisser surgir « l’infini » au centre de l’œuvre.
Elle peint souvent un ciel vaste, pour (dit-elle) permettre au sol de mieux respirer.
Elle se méfie de toute anecdote.
Elle se demande parfois si elle désire ou non passer du figuratif au non-figuratif. Actuellement, il n’en est pas question.
Elle dit: « La réalité est là. Face à elle, je fais ce que je peux ».
Gilbert Lascault
Marco Anelli, photographe
Par Takayoshi Sakabe, peintre
Par Baptiste Gourgouillon, graphiste
Au fil de la collaboration entreprise avec Françoise Menard, je me suis aperçu qu’elle était systématiquement désireuse de diminuer ce que l’on appelle la « fracture numérique ». Grâce à sa pugnacité et une curiosité insatiable, il a été possible de procéder à un transfert à la fois archéologique, esthétique, et technologique, de l’aboutissement de plus de trente ans de travail. Cette démarche fut l’occasion de rendre hommage de la façon la moins irrespectueuse possible à la texture d’une peinture, lorsqu’elle se trouve enfermée dans le statut informatique de l’image. La technique, fût-elle manuelle, informatique, pixellaire, se doit de rentrer dans une cohésion abouchant le mieux possible à l’esprit et à l’intimité créative de l’artiste.
Book 2013 – Créations Print et Digitales
mail: louis.baptiste.gourgouillon@gmail.com
Par elle-même
Je m’attelle à l’impossible tâche de parler de ma peinture, effectivement, je pense que les mots ne serviraient de rien pour la comprendre
Rien que des couleurs, des nuances, et des formes, dans ce que j’appelle l’organisation de l’espace.
L’écueil de la figuration c’est l’anecdote, l’écueil de la non figuration c’est l’incompréhension.
Si l’espace est bien organisé, bien construit, les deux écueils sont évités.
La figuration est pour moi le prétexte à l’organisation de l’espace.
Le passage entre deux formes, entre deux couleurs doit être également soigné, afin de piquer la curiosité du spectateur, et de l’inciter à se rapprocher de l’œuvre pour mieux comprendre ce qu’il regarde.
Le message du peintre s’adresse à la sensibilité du spectateur et entre en résonnance avec lui. Regarder lui fait du bien, lui rappelle quelque chose, il pense qu’il aurait pu peindre ce qu’il regarde tant cette peinture lui est familière.
Le peintre et sa peinture ne font qu’un, grâce à l’oubli de soi du peintre face à son sujet. Rien n’est gratuit, toute trace est pensée, soupesée et honnête. Je ne recherche pas l’émotion, elle est dans la vérité du travail.